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Quelles sont les règles à respecter pour vendre un masque en tissu artisanal ? Mis à jour 12/05

Vous l'avez peut-être vu passer ce week-end si vous vous intéressez à la question des masques en tissu... Mon coup de gueule contre la note d'information de la DGE et l'immense flou qu'elle a créé au sujet de la fabrication artisanale s'est propagé comme une traînée de poudre. A vrai dire, je ne pensais pas crier si fort...! Mais face à l'impressionnant nombre de réactions, commentaires et partages, j'endosse volontiers ce rôle de porte-parole d'une colère qui va bien au-delà de moi. De cette colère doit naître quelque chose de positif, à la fois pour les professionnelles et pour les personnes qui nous ont affirmé leur soutien à l'artisanat.

Je vais vous présenter ici tous les éléments que j'ai pu récupérer par moi-même et grâce aux nombreuses contributions que j'ai reçues à la date du 04/05/20. L'objectif est de définir un cadre légal commun pour que les créatrices travaillent sereinement et que les particuliers sachent ce qu'ils achètent.

Appuyons-nous sur la déclaration ce matin-même (04/05/20) sur Europe 1 d'Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances (interview complète ici).

Elle répondait à la question de Soasig, couturière indépendante en Bretagne, sur l'obligation de faire homologuer ses masques pour pouvoir les commercialiser. Je vous retranscris ses paroles.

"Elle a parfaitement la possibilité de continuer à fabriquer des masques tels qu'elle le fait aujourd'hui et il n'est pas nécessaire quand on est artisan de faire ce test. Par ailleurs, ce test, à ce stade, est gratuit. Il ne coûte pas 1200€.
Comment ça marche ? Vous avez l'AFNOR qui a mis au point une spécification qui est très claire et que j'invite tous les couturiers, les artisans, les tailleurs, à suivre pour fabriquer des masques de qualité et de qualité filtrante. Cette spécification renvoie à une liste de textiles [...] dont on connait les propriétés filtrantes et à laquelle il faut se référer. Si vous faites ces deux choses, c'est à dire suivre la spécification AFNOR et utiliser les textiles vers lesquels l'AFNOR pointe, alors on considère que votre masque a les propriétés filtrantes de plus de 70% et il n'est pas nécessaire de faire de tests. En revanche, vous n'aurez pas le petit logo "certification garantie" parce que vous n'avez pas fait les tests mais ce n'est pas grave. Tout le monde est capable de comprendre que les industriels doivent faire ce test pour avoir le logo parce qu'ils produisent dans des quantités énormes, 100 000 masques. Une couturière qui produit par dizaines de masques doit juste garantir qu'elle suit la spécification AFNOR et qu'elle suit la liste de textiles."

 

Edit du 06/05/20 : ces informations ont été confirmées le soir-même par un tweet de Mme Pannier-Runacher.

Tweet Pannier Runacher vente masques artisanaux

Une professionnelle indépendante a donc le droit de vendre des masques à deux conditions : le respect de la spécification AFNOR et l'utilisation de tissus indiqués par l'AFNOR.

La spécification AFNOR

Si vous avez le courage et les compétences pour les lire, vous pouvez télécharger le document AFNOR Spec masques barrières.
Sinon, l'Atelier des gourdes a fait un énorme travail sur le sujet, en lien direct avec l'AFNOR. Vous pouvez suivre ses indications pour tout ce qui concerne les solutions de fabrication des masques. Pour résumer, elle indique :

"Le bon masque (celui qui sera toujours mieux que rien, qui permettra de respirer et qui évitera les projections), c’est un masque à plis de deux couches de tissu 100% coton tissé très serré sans filtre."

Elle précise toutefois :

"Je vous ai rédigé un tuto pour y voir plus clair dans la gamme de montage un peu technique destinée à des pros. Je n’ai pas la prétention de vouloir faire mieux que l’AFNOR, ni de plagier leur travail, mais juste de proposer une lecture pédagogique de leur publication, à destination des particuliers souhaitant aider."

Inutile de la paraphraser. Allez sur son blog, Anne répond vraiment à toutes les questions sur ce guide avec tout la rigueur nécessaire et la bonne humeur en bonus !

Les tissus indiqués par l'AFNOR

C'est là que les choses se complexifient. Sur le site de l'AFNOR, il est indiqué :

"Quels tissus utiliser pour élaborer un masque barrière ?
Le document AFNOR Spec recommande des types de tissus. Ils sont tirés de tests réalisés par l’IFTH, accessibles ici"

On accède alors au tableau de tous les essais effectués par la DGA et l'IFTH avec la conformité, reçue ou non, et la classification en Catégorie 1 et Catégorie 2. Ah !! Et voilà le retour de la classification des masques Grand public, destinés aux professionnels. Et oui, car en fait, la spécification AFNOR est aussi le texte de base pour les industriels. Le masque en lui-même ne fait pas l'objet d'une homologation. Il doit juste être fabriqué en respectant la spécification AFNOR :

"Il est rappelé que la mise sur le marché de masques « grand public » ne fait pas l’objet d’une autorisation, ni d’une  homologation. Les fabricants qui souhaitent commercialiser leurs masques en tant que masques de catégorie 1 ou 2 doivent être en mesure de justifier le respect des spécifications attendues" - DGE, Entreprises, comment faire tester vos masques

Donc lorsque la spécification est suivie correctement, ce qui va déterminer la catégorie du masque Grand public est la certification du tissu qui est utilisé.

"Toute entreprise souhaitant mettre ces masques sur le marché doit préalablement :
1. Faire réaliser des essais, sous sa responsabilité, conduits par un tiers compétent, démontrant les performances de ses masques au regard des spécifications de l’Etat figurant dans la note d’information interministérielle du 29 mars. Il doit pouvoir présenter les résultats des essais aux services de contrôle qui en feraient la demande.
Si le matériau (même fournisseur, même référence) a déjà fait l’objet d’essais pour un autre fabricant, le fabricant n’est pas obligé de le refaire tester. Il doit toutefois pouvoir présenter aux services de contrôle le rapport d’essais concernant le matériau qu’il utilise." DGE, Les informations relatives aux masques grand public

On retrouve cette conclusion dans l'article de Mediapart, Covid 19 : des masques "grand public" pour cacher la pénurie.

"Faute de temps pour créer une norme officielle, le gouvernement s’est en effet lancé en urgence vers une démarche de labellisation. Le cadre légal est une simple « note d’information » interministérielle publiée le 29 mars. Signée par Bercy, les directeurs généraux de la santé et du travail, elle crée une nouvelle catégorie de masques « à usage non sanitaire », de catégorie 1 (90 % de filtration) et 2 (70 %). Les fabricants qui souhaitent s’en prévaloir doivent respecter la spécification AFNOR, effectuer un test du port du masque pendant quatre heures, et faire tester les performances selon le protocole de la DGA.
Cette dernière obligation a été allégée le 20 avril par le ministère de l’économie. Afin « d’accélérer la mise en production des masques », il est désormais facultatif de faire tester le prototype en laboratoire, à condition qu’il ait été confectionné avec un ensemble de matières validé par la DGA. Dès lors qu’un matériau a déjà été testé, « il n’est pas utile de le tester une nouvelle fois », nous a répondu le ministère de la santé."

Vous avez vu, on a subtilement glissé vers les masques grand public. La frontière entre masque grand public et masque barrière est décidément poreuse.

Que fait-on alors ?

Ouf, on arrive enfin aux solutions. Je vais répertorier ici les pistes que j'ai trouvées. Je recevrai avec plaisir toutes les solutions que vous pourrez apporter aux indépendantes afin de les intégrer à cet article collaboratif.

L'objectif est bien sûr de travailler dans un cadre légal et rassurant. Enfin ! Mais il est aussi de concevoir un discours clair pour les clients, pour différencier les masques fabriqués par des professionnelles indépendantes des masques fait-maison. Le collectif Bas les masques porte haut et fort la voix des professionnelles pour la reconnaissance de notre travail. Je m'associe évidemment aux revendications de ce mouvement.

Edit 06/05/20 : Voici la réponse que j'ai reçue de la DGE. Elle ré-affirme que la vente est autorisée tant qu'on ne prétend pas fabriquer des masques certifiés Cat.1 ou Cat.2. Notez tout de même la phrase "Ils sont responsables de la qualité des masques qu'ils produisent ou vendent". On tourne donc toujours en rond car nous sommes responsables, oui, mais de quoi exactement et selon quels critères ? Le doute persiste. Je ne vous dirai ni d'arrêter ni de continuer votre production. Pour celles qui continueront, je vous conseille la lecture des indications qui suivent sur les tissus et les mentions à indiquer à vos clients.

Fabriquer et commercialiser ses propres masques

Quel tissu choisir ?

Le plus simple serait d'avoir accès à des tissus certifiés. Je n'ai pas encore trouvé de source d'approvisionnement. Nous parlons donc ici de confection de masques en tissus sans certification.

J'ai donc épluché la liste des essais conformes classés Catégorie 2 de la liste de tissus recommandés par l'AFNOR. Je rappelle qu'il s'agit d'essais d'associations de plusieurs tissus envoyés par des entreprises. J'y ai trouvé deux résultats validés, très proches l'un de l'autre :

- 2 couches de tissu popeline 100% coton Nm 50/50 en 110 g/m²
- 2 couches 100 % coton 115 g/m²

Si vous avez la possibilité d'acheter des tissus avec des indications de grammage, vous pouvez donc choisir de la popeline de coton en 110 à 115g/m².

Cela rejoint les conclusions d'Amandine Cha pour qui "le tissu doit utiliser des fils fins, avoir une densité de fils conséquente pour la filtration". Elle recommande aussi de privilégier le coton, corroborant ainsi les indications de l'Atelier des gourdes d'utiliser un "tissu 100% coton tissé très serré".

Edit 05/05 : j'attire votre attention sur ce point du tissu utilisé car c'est justement là que va se jouer la responsabilité juridique de la professionnelle. Impossible d'être sûr de la filtration sans certification du tissu. Et pas de certification sans test.

Quelles mentions indiquer ?

Je penche pour reprendre la dénomination Masque barrières qui fait directement référence à la spécification de l'AFNOR.

La composition en fibres n'est pas obligatoire, mais il me semble utile de signaler que le masque est en 100% coton 2 couches.

Il est important de préciser que ces masques respectent la spécification AFNOR, mais ne sont pas certifiés (ne parlez pas de norme ou d'homologation, cela n'existe pas pour les masques en tissus) et non adaptés pour les personnels soignants ou les professionnels. Ils sont destinés uniquement aux particuliers.

"Les autorités précisent que ces masques constituent seulement un « moyen de réduction du risque complémentaire » aux gestes barrières, offrant une « protection » dans les situations de la vie quotidienne." Mediapart, Covid 19 : des masques "grand public" pour cacher la pénurie.

On peut ainsi indiquer que le masque barrière est un complément de la distanciation sociale et des gestes barrières. Il participe à limiter la contamination du porteur vers autrui.

Je vous invite aussi à ajouter les conseils officiels sur les masques en tissus, que ce soit pour le port du masque ou son entretienhttps://www.gouvernement.fr/info-coronavirus/masques-grand-public

Bien porter son masque gouvernement

Fabriquer des masques Grand public avec des tissus certifiés

Edit du 12/05/20 : ajout de cette section complète.

Comme j'ai parlais plus haut, suite à la mise à jour de la note d'information interministérielle, il est désormais possible de d'apposer le logo de certification pour peu de respecter la spécification AFNOR pour la confection du masque (à plis ou canard) et d'utiliser une association de tissus certifiée.

"Les confectionneurs de masques grand public tels que définis dans la note d’information du 29 mars 2020 (voir note d'information) dans sa version mise à jour du 26 avril 2020, peuvent utiliser des complexes déjà testés par la DGA ou l’IFTH et présentant des propriétés répondant aux exigences de la note, sans avoir besoin de réaliser de nouveaux tests sur ces mêmes complexes.
Le complexe (matériaux et associations de matériaux) utilisé doit être strictement identique à celui qui a été testé : même fabricant, même référence. De plus, l’entreprise qui utilise un complexe doit être en mesure de pouvoir présenter aux clients, s’ils en font la demande, ainsi qu’aux services de contrôle, le rapport comportant les résultats d’essais." DGE, Entreprises, comment faire tester vos masques ?

J'ai reçu plusieurs pistes et après vérification, je peux vous indiquer deux sources sûres d'approvisionnement.

Masque 3 couches - Belinac

La société Belinac propose une association 3 couches validée pour 10 lavages :
- 2 épaisseurs d'un chaîne et trame en coton de 78 g/m² (coloris blanc ou neutre)
- 1 épaisseur de taffetas en polyester 49 g/m².
La face visible à l'extérieur est le taffetas, et ça tombe bien car l'entreprise a du stock dans une grande partie des coloris présentés en ligne.

Le test de la DGA a été réalisé sur un masque à couture sagittale fin mars, réalisé dans ce complexe de tissus. Cette forme a depuis été rejetée par l'AFNOR, qui a conseillé à Belinac de suivre les nouvelles indications : masque à plis ou bec de canard.

Cette offre est réservée aux professionnels avec un prix dégressif à partir de 20 m. Par exemple, pour faire 35 masques (2 m de coton + 1 m de polyester), les tissus vous coûteront 1,16€ TTC par masque au prix fort ou 0,73€ si vous commandez plus de 20 m. Je suis partie de carrés de 20 x 20 cm pour faire ces calculs.
Le mieux est de contacter Belinac pour obtenir votre devis !

Masques Catégorie 1 et Catégorie 2 - BubbleTree

De son côté, BubbleTree propose aux couturières des kits de 50 unités pour fabriquer des masques de Catégorie 1 ou 2.
- Cat. 1 : masque 2 couches avec une cretonne 100% coton à l'intérieur et un chaîne et trame coton/polyester à l'extérieur.
- Cat. 2 : masque 1 couche avec la cretonne en coton 225 g/m².

Ces deux types de masques sont à réaliser sous la forme masque à plis de l'AFNOR. Ils sont certifiés pour 10 lavages car les tests ont été réalisés avant l'intervention de l'IFTH, à un moment où seuls 10 lavages étaient testés. Il est possible qu'ils obtiennent une certification 40 lavages prochainement car les performances de ce complexe seraient très stables. L'entreprise recommande par ailleurs de laver les masques sans détergent pour éviter la fixation de produits imperméabilisants contenus dans certaines lessives.

"KIT  de 50 Unités comprenant :
Découpes avec repères de repères de plis + Élastiques coupés + logo + 1 Notice Confection + 1 notice + 1 PV DGA (permet d’attester du niveau de filtration des particules et de vous couvrir sur votre responsabilité juridique)
CAT 1 : 80 € TTC les 50 soit 1.6€TTC / U soit 1.5€HT / U
CAT 2 : 65 € TTC les 50 soit 1.3€TTC / U soit 1.25€HT / U"
BubbleTree, Professionnels et particuliers, équipez-vous de masques

Se rapprocher de sa Chambre des Métiers et de l'Artisanat

Voici une information trouvée sur le site de la CMA de Bretagne. Peut-être que d'autres initiatives existent près de chez vous pour faire le lien entre clients et artisans ?

"MASQUES BARRIÈRES EN TISSU PAR LES ARTISANS RÉPARACTEURS
Vous recherchez des masques en tissu confectionnés par les artisans de votre territoire? Consultez la liste des artisans Réparacteurs qui en fabriquent :

Se mettre au service d'une entreprise industrielle ou d'un regroupement d'indépendants

Si vous êtes en Nouvelle-Aquitaine, je vous invite à contacter Sew & Laine pour en savoir plus sur son appel à mobilisation rémunéré pour les indépendants.

Si vous connaissez d'autres regroupements ou industriels qui proposent un travail rémunéré, je pourrai les ajouter ici.

 

Que vous soyez une professionnelle ou un.e client.e, je vous remercie pour tous les échanges que nous avons eu à l'issue de mon post Facebook. Vous m'avez donné l'impulsion pour regrouper toutes ces informations et l'envie de définir un cadre serein pour la commercialisation des masques artisanaux... jusqu'à la prochaine "note d'information" ? Ah ah !!!

Personnellement, je ne reprends pas (pour le moment) la vente de masques, si ce n'est pour dépanner autour de moi. J'ai de grands projets pour la suite, quand j'aurai écumé mon carnet de commandes : me recentrer sur la maroquinerie bien sûr,... et puis prendre du temps avec mes enfants, manger, dormir ! Pour l'achat de masques barrières, je vous engage à vous rapprocher des professionnelles de votre secteur ou bien de commander sur Pitimana, un site français qui soutient les créatrices !

Lexique :

DGE : Direction Général des Entreprises
IFTH : Institut Français du Textile et de l'Habillement
DGA : Direction Générale de l'Armement

2 commentaires

  • Bonjour couturiere professionnelle anciennement salarié dans un magasins de tissu actuellement en retraite et déclarée à mon cpte petite entreprise. Je réagis comme toutes les couturières de FRANCE Devant les bafouillages de nos responsables. Merci a vous pour votre mobilisation. Je vous apporte ma réflexion.
    A nous couturières la responsabilite de se conformer aux recommandations de l AFNOR pour la confection.
    Aux Fabricants de tissus de fournir à leur revendeurs ; magasin de textile, l identification des tissus qui permettrait de les vendre pour confectionner les masques , cela permettrait à ces magasins de les sélectionner et de les vendre avec une attestaion de composition qui pourrait correspondre aux recommandations AFNOR.
    chacun son métier, on a pas à endosser pour eux cette responsabilité. Ils vendent et donc ils s engagent aussi.
    Cette crise a été l occasion pour beaucoup de couturières et grâce aux réseaux sociaux de se rassembler malgré les distances de casser l isolement, de nous faire entendre ( hier soir sur FRANCE 2 en toute fin du JT. ) c est le cote positif que je retiendrai SOLIDARITÉ.
    Bien cordialement Brigitte
    TENDANCE B.B ( Facebook)

    Brigitte BUFANIO
  • Merci pour votre article, j’ai poussé moi aussi un gros de coup de gueule ce week-end sur Fb. Je suis couturière en auto entreprise et moi aussi j’ai décidé de suspendre la fabrication en attendant que le choses se clarifient!! Merci beaucoup d’avoir déjà pas mal dégrossi la chose!!! Bon courage à vous.

    Mag

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